Page:Marais - La Nièce de l'oncle Sam (Les Annales politiques et littéraires, en feuilleton, 4 août au 6 octobre), 1918.djvu/133

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

si simple, mais si correcte de Laurence. Un minuscule tricorne de feutre bleu de roi se perdait, noyé dans l’édifice débordant d’une chevelure oxygénée surchargée de boucles fausses et de frisons à l’enfant ; et cette coiffure compliquée encadrait la forte figure congestionnée d’une vieille coquette rouge de colère.

Sans se départir de son impassible politesse de commande, Laurence répétait patiemment pour la quatrième fois :

— Le costume n’est pas prêt, madame. Nous regrettons de vous avoir dérangée… Voulez-vous revenir demain, à trois heures ?

La cliente recommençait ses imprécations :

— Il devrait être terminé… Mon Dieu ! que je suis donc malheureuse !

La jeune fille la toisait, bien en face : un involontaire mépris se lisait sur son doux visage empreint d’une délicate et profonde mélancolie. Malheureuse… pour un essayage retardé !

La cliente continuait à se plaindre. Et Laurence, excédée, se forçant à conserver son masque de déférence impersonnelle, se demandait si elle n’allait pas tomber là, de fatigue, d’énervement et de faiblesse…

Enfin ! le magasin se vidait. L’heure du dîner allait délivrer Laurence. La porte mobile s’ouvrit une dernière fois ; à son grincement, la jeune fille ébaucha un geste désespéré : qu’était-ce encore que cette cliente tardive ?… Elle reconnut miss Arnott dans la personne qui entrait.

Son impatience fit place à une sorte de gêne honteuse : la vue de Bessie provoquait en