Page:Marais - La Nièce de l'oncle Sam (Les Annales politiques et littéraires, en feuilleton, 4 août au 6 octobre), 1918.djvu/146

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XXI

Des sifflements d’obus déchiraient l’air. La tranchée était repérée par l’ennemi.

Suivi de ses hommes, François d’Hersac se rendait à son nouveau poste d’observation.

Ils marchaient à la file indienne dans un boyau étroit et boueux où l’on enfonçait jusqu’aux genoux dans une chose gluante : terre humide, fraîchement remuée, qui servait de sépulture aux cadavres de la dernière attaque.

François avait l’impression d’être enserré par la mort.

Jusqu’à présent, il avait assisté à ce spectacle sans effroi, de même que les camarades. Depuis qu’il avait vu sa mère sur son lit d’éternel repos et sa sœur avide de mourir, il était assailli de visions lugubres, et l’aspect quotidien du carnage l’épouvantait intérieurement.

La fragilité, l’inutilité de l’existence humaine lui apparaissaient dans toute leur désolation.

Il s’étonnait qu’on fît des projets d’avenir, qu’on se donnât du mal pour l’illusion d’un bonheur durable, qu’on s’attachât à des créatures périssables.

Les trappistes, que sa jeune espérance avait