Page:Marais - La Nièce de l'oncle Sam (Les Annales politiques et littéraires, en feuilleton, 4 août au 6 octobre), 1918.djvu/18

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loyers, ne couvre pas la dette hypothécaire. Ma mère n’a pas le droit de poursuivre ses débiteurs, mais il paraît que ses créanciers ont le droit de la poursuivre puisqu’elle a reçu hier un grimoire d’huissier l’informant qu’un jugement du tribunal vous autorise à faire saisie-arrêt sur tous ses biens dans la huitaine, si elle ne paye pas la somme de 30.000 francs… Ma mère a été si bouleversée qu’elle a dû s’aliter : c’est moi qui suis venue à sa place vous exposer notre situation et plaider sa cause. Vous ne pouvez songer, monsieur, à faire un pareil affront à la marquise d’Hersac !

Me  Thoyer se renversa sur son fauteuil, les regards au plafond. Il questionna d’un air indifférent :

— Qu’est-ce que vous touchez, comme appointements, chez Litynski ?

— Deux cents francs par mois.

— Mâtin ! Il paye bien ses employés. Moi je ne donne que cent trente francs à ma dactylo.

— Monsieur…

Laurence se redressait, indignée par ce ton insolent. Thoyer la calma du geste et dit avec bonhomie :

— Voyons, voyons… Elle est très adroite, votre petite histoire. Mais vous ne me ferez pas admettre que des gens dans votre position, des personnes du monde, aient de tels embarras… Que diable ! On n’est pas sans rien ; on s’arrange.

Mlle  d’Hersac fronça les sourcils et murmura dédaigneusement :

— Il faut venir chez un homme d’affaires pour entendre douter de notre parole.

Elle poursuivit :

— Vous dites : on s’arrange… Et comment ? Que feriez-vous, à notre place ?