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sa réflexion drôlatique qui attirait l’attention de tous les assistants.

— La guerre : un danger pour nous ?… Et de quelle nature ? s’écria Annie Turner, une petite brune menue dont les grands yeux noirs étincelaient d’intelligence.

Bessie considéra en silence le groupe que formaient ses amis. La plupart des jeunes filles présentes se ressemblaient par un même cachet dans les manières : l’élégance trop riche de leurs toilettes, la vivacité de leur physionomie ; l’activité, l’agitation intérieure qu’on devinait en elles.

Les jeunes gens, moins nombreux, portaient également dans leur personne ce signe d’une même race ; leur gaieté bruyante contrastait avec la correction de leur tenue.

Seul, parmi ces hommes, le docteur Warton se distinguait par une personnalité très marquée.

À trente-six ans, Jack Warton conservait la vigueur et l’agilité de la prime jeunesse. Grand, fort, bien découplé, c’était un de ces athlètes intellectuels dont l’Amérique a la spécialité ; il avait exercé dans un même entraînement ses muscles et son cerveau ; chez lui le savant se doublait d’un sportsman accompli. D’une beauté parfaite, de cette beauté anglo-saxonne qui met en valeur les qualités viriles, il avait un visage mâle aux traits réguliers que rien ne déparait, car le docteur Warton ne portait ni barbe, ni moustache. Son nez droit, sa bouche bien modelée, son menton, creusé d’une fossette, étaient d’une pureté grecque. Ses grands yeux, d’un gris lumineux, rayonnaient d’intelligence et de bonté. Sa figure sans ride n’accusait point la quarantaine proche. Seuls, ses jeunes cheveux blancs, qui avaient éclairci prématurément ses tempes, ré-