Page:Marais - La Nièce de l'oncle Sam (Les Annales politiques et littéraires, en feuilleton, 4 août au 6 octobre), 1918.djvu/37

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— Docteur ! appelle Laurence d’une voix qui s’étrangle.

Les uniformes se retournent tous les trois : deux aides-major et le docteur Martin qui ébauche un geste de surprise à la vue de Mlle  d’Hersac et s’empresse de la rejoindre.

— Docteur, balbutie Laurence. Maman va mourir…

Éperdue, elle chancelle presque. Le médecin lui prend les mains et la regarde, apitoyé, sans parler : il a le tact de lui épargner la consolation banale des encouragements trompeurs.

— Venez ! supplie Laurence. J’ai une voiture…

— Je ne peux pas.

Les quatre mots, détachés d’une voix nette, la frappent comme un coup. Elle crie douloureusement :

— Vous ne pouvez pas ?… Ce n’est pas possible… Vous n’allez pas nous abandonner ?

Le docteur fait un geste pour la calmer :

— Je viendrai ce soir même à Paris… Je vous le promets. Mais je ne peux pas maintenant. C’est l’heure de ma visite. J’ai des blessés qui réclament des soins plus urgents que madame votre mère.

— Oh ! vos blessés…

Le docteur arrête l’exclamation impie en observant :

— Mes blessés… Ce pourrait être votre frère… Quand François a failli mourir, l’année passée, qu’auriez-vous pensé du major qui l’eût délaissé pour soigner des clients en ville ?

Il ajoute, plus ému :

— J’ai examiné votre mère, à mon dernier passage à Paris… Je la suppose atteinte d’une tumeur… Les symptômes que vous me décrivez