Page:Marais - La Nièce de l'oncle Sam (Les Annales politiques et littéraires, en feuilleton, 4 août au 6 octobre), 1918.djvu/42

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— Nous, nous étions des babies quand notre mère est morte ; nous n’avons pas eu le temps de la connaître… On a de la chance d’être orphelin avant de pouvoir comprendre : c’est une peine épargnée pour l’avenir.

Et, comme ils étaient tous deux des enfants, la sympathie de Laurence s’exprima par cette question puérile, la première que s’adressent ingénûment les gosses qui ont envie de faire connaissance :

— Comment vous appelez-vous ?

— Teddy Arnott, répondit le jeune homme en souriant.

Il ajouta :

— Je suis venu en France avec le corps d’armée commandé par mon oncle, le colonel Blakeney que je dois aller rejoindre incessamment au camp de T… Je suis automobiliste, chargé de missions, faisant office d’officier de liaison.

— T… Mon frère s’y trouve pour l’instant, murmura Laurence.

Elle se tut, ramenée à ses douloureuses préoccupations ; et son compagnon respecta son silence.

Neuilly-sur-Marne.

Laurence retrouvait le décor du Perray. Les murailles grises, la Croix-Rouge, les infirmières blanches et bleues.

Hallo, Jack ! appela familièrement Teddy Arnott en apercevant le docteur.

Jack Warton, très étonné, s’approcha d’eux. Tout de suite, Laurence fut attirée par ce calme et doux visage aux tempes prématurément blanches. Elle remarqua — malgré l’émotion qui la troublait — qu’il accueillait Teddy d’un air plutôt défiant : la pétulance du jeune homme s’accordait si mal avec la gravité de son beau-frère !