Page:Marais - Le Mariage de l adolescent.pdf/29

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pour avoir toujours une petite avance d’expérience sur vous dont je vous ferai profiter, en camarade, sans pédantisme. Je passerai, par mon âge, avant vous, sur la même route, et ça me permettra de vous donner le bon tuyau sur le tournant dangereux. Je vous souhaite bien d’être heureux. Il y a entre nous, maintenant, un lien : vous êtes le seul à avoir vraiment connu le seul être que j’aie aimé sans déception et dont j’aie été aimée sans ingratitude. Cet être va m’être enlevé soit dans son cerveau, soit entièrement. Vous restez pour moi comme le cher et unique témoin : nous ne parlerons jamais plus d’elle, quand elle ne sera plus là ; cela me ferait trop de mal ; mais je sentirai que nous y penserons ensemble, à certains moments qui nous rappelleront des souvenirs communs. Vous devenez, en quoique sorte, mon frère. Croyez-moi, quand je tâcherai de vous servir, effectivement ou moralement. Je vous confie aujourd’hui une impression parce que je la ressens très profondément et que je crois qu’elle renferme une vérité naturelle et sociale : il y a une sorte de bonheur à vivre durement. Il ne faut pas être égoïste et n’aller