Page:Marais - Nicole, courtisane.djvu/26

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de se grouper par quatre ou cinq… Ce n’est pas plus convenable qu’à deux, mais c’est plus joyeux : et la gaieté est l’excuse de la licence.

Je m’assieds vis-à-vis de Léon Brochard, qui a daigné rester. Près de lui se glisse Maud Sterling, la jolie actrice, qu’attire le renom de galanterie de l’ancien ministre ; et Julien Dangel se faufile à son tour à côté de moi.

Maud est une fille ravissante — cheveux roux, peau laiteuse — dont le sourire est plus brillant que l’esprit de conversation ; c’est pourquoi elle se contente de montrer ses dents sans jamais parler. Quant à Julien, il semble doublement hypnotisé par le voisinage de l’homme illustre et par ma présence. Dans le bruit des assiettes heurtées, des bouchons qui sautent, des cuillers qui tombent, des violons qui grincent, un simple dialogue s’échange donc entre Brochard et moi.

J’avoue la curiosité, qui, depuis une heure, me préoccupe :

— Monsieur Brochard, me permettez-vous de vous faire un aveu dénué d’artifice : je suis anxieuse d’apprendre à quel hasard fortuné j’ai dû l’honneur de vous voir chez moi ce soir.

— C’est moi qui ai eu le plaisir d’y venir,