Page:Marais - Nicole, courtisane.djvu/77

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de pommes, de raisins, et les fruits charnus de ses seins épanouis.

J’aime assez ce décor somptueux parce qu’il n’est pas du tout le cadre d’un déjeuner galant.

Après que le maître d’hôtel nous a servi une sole normande, il se retire sur un impératif : « C’est bon. Je sonnerai pour la suite ! » de Léon Brochard. Et maintenant… maintenant, je suis perdue : une déplorable impression nerveuse rétracte mon estomac, je sens qu’il me sera impossible de manger ; j’ai soif… Et Léon Brochard a déjà rempli mon verre d’un extra-dry de couleur engageante. Je sais quel effet dangereux la saveur pétillante du champagne produit sur moi, l’ivresse folle et légère qui embrume mes idées, la chaleur joyeuse dont m’imprègne ce vin blond… Or, je vais en boire à jeun. Dans cinq minutes, je serai presque grise. Et dame !…


Voici que les choses se mettent à tournoyer lentement ; devant mes yeux souriants, des spirales imprécises se déroulent, telles les volutes bleues d’une fumée de cigarette. Les divinités sculptées du buffet jaune s’animent, c’est sûr : Cérès me tend sa faucille et Pomone