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ÉLOGE DE MONTESQUIEU

donc maintenir l’État dans les limites qui lui conviennent.

L’auteur ayant considéré d’une manière absolue les trois gouvernemens, les considère d’une manière relative, c’est-à-dire dans les rapports des loix avec la force déffensive et offensive. L’esprit de la monarchie est la guerre et l’aggrandissement ; l’esprit des républiques est la paix et la modération. La déffense est toujours indispensable au salut de l’État, l’attaque souvent nécessaire. Les républiques où l’État a peu d’étendue ne peuvent se déffendre qu’en se confédérant ; association qui réunit les avantages intérieurs du gouvernement monarchique. Les monarchies où l’État a une moyenne étendue, se déffendent par des places fortes sur leurs frontières, et des armes pour déffendre ces places fortes. Les États despotiques, qui peuvent avoir beaucoup d’étendüe, se déffendent en détruisant leurs frontières pour se rendre inaccessibles, ou en remettant les provinces éloignées à un prince feudataire, qui reçoit pour eux les coups de la fortune.

Quant à la force offensive, elle doit être réglée par le droit des gens, qui est la loi politique des nations.

Les États, comme les individus, ont droit de faire la guerre, mais seulement pour leur propre déffense.

L’objet de la guerre est la victoire, celui de la victoire est la conquête, celui de la conquête est la conservation. La grande loi du vainqueur est donc de pourvoir à sa sûreté, en faisant aux vaincus le moins de mal possible, et en réparant ce mal dès qu’il le peut. Il doit leur laisser leurs mœurs, leurs usages ; s’il leur ôte leurs lois civiles, ce doit être pour leur en donner de meilleures. Enfin il doit les faire jouir des mêmes avantages que ses anciens sujets.

Le but de tout gouvernement légitime est la liberté. Elle consiste dans le droit de faire tout ce que les loix per-