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J.-P. MARAT

mettent, et elle doit être considérée relativement à la constitution et relativement aux individus. Dans chaque État se trouvent trois différens pouvoirs : la puissance législative, la puissance exécutrice relative au droit des gens, et la puissance de juger. C’est de la juste répartition de ces pouvoirs que dépend la liberté de la constitution. Elle n’est pas libre, lorsque le même individu ou le même corps réunit la puissance exécutrice à la législative, il pourroit faire des loix tyranniques pour les exécuter tyranniquement. Elle n’est pas libre tant que le pouvoir de juger n’est pas séparé des deux autres ; avec la puissance législative, le juge pourroit disposer arbitrairement de la vie et de la liberté des sujets ; avec la puissance exécutrice, il auroit de même les moyens de les opprimer. Enfin tout est perdu lorsque ces trois pouvoirs sont réunis dans les mêmes mains, mais il ne suffit pas qu’ils soient séparés, pour que les sujets jouissent de la liberté politique, car elle consiste dans l’opinion qu’ils ont de leur sûreté. Pour qu’ils ayent cette opinion, il faut qu’un homme n’ait rien à craindre d’un autre homme ; d’où il suit que leur liberté dépend de la bonté des lois pénales. Il importe donc d’établir les règles les plus sûres dans les jugemens criminels, afin qu’ils n’ayent rien d’arbitraire, et que la peine dérive toujours de la nature du délit. Maximes générales : les crimes contre la religion doivent être punis par la privation des avantages qu’elle procure ; les crimes contre les mœurs, par la honte ; les crimes contre la tranquillité publique, par l’exil ou la prison ; les crimes contre la sûreté par des supplices : au reste, les pensées doivent toujours être libres, et jamais les paroles ne doivent former la matière d’un délit, qu’autant qu’elles accompagneroient une action criminelle.

Les accusations non juridiques, les lettres anonimes et l’espionnage doivent être proscrits, comme de hon-