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J.-P. MARAT

Comme les loix doivent être relatives au caractère des peuples, elles ont des rapports nécessaires avec les climats, qui ont tant d’influence sur ce caractère.

Cette partie de l’Esprit des Loix est la plus originale de toutes.

Si la découverte des principes qui s’y trouvent établis exigeoit beaucoup de sagacité, leur application n’est pas moins solide que brillante. L’auteur fait voir comment le législateur doit s’attacher à combattre les vices du climat, tels que la mollesse, l’aversion du travail et le penchant de l’ivrognerie, quand il a des effets dangereux. Le climat modifie aussi le degré de la servitude ou de la liberté des différens peuples de la terre. La diverse température de l’air ayant une si prodigieuse influence sur la force du corps et la hardiesse de l’esprit, il est simple que la lâcheté des peuples du Midi les ait presque tous rendus esclaves ; tandis que le courage des peuples du Nord les a presque tous maintenus libres.

La servitude civile ou domestique ne dépend pas moins du climat que la servitude politique. Dans ces pays où la chaleur énerve si fort les corps et affaiblit tellement le courage, que les hommes ne sont portés au travail que par la crainte des châtimens, on en voit un grand nombre, dans l’espoir de vivre dans l’oisiveté, chercher à devenir l’esclave de ceux qui tyrannisent l’État. Dans ces climats aussi, les femmes sont nubiles à dix ans et vieilles à vingt ans ; la raison ne se trouvant jamais chez elles avec la beauté, elles sont toujours dans la dépendance ; or la trop courte durée de leurs charmes nécessite la polygamie, et la polygamie à son tour nécessite leur clôture, car leur liberté serait fatale au mari. Mais de quelque espèce que soit l’esclavage, l’auteur fait voir que c’est un attentat contre la liberté, la raison et le droit naturel. Généreux défenseur de l’humanité outragée, s’il n’a pu