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ÉLOGE DE MONTESQUIEU

M. de La Tour[1], artiste distingué parla supériorité de son talent, désiroit donner un nouveau lustre à son pinceau, en transmettant à la postérité le portrait de l’auteur de l’Esprit des Loix. Glorieuse satisfaction, longtemps sollicitée avec ardeur, et à laquelle le mérite modeste se refusa toujours.

Peu de temps après, M. d’Acier[2], fameux par les médailles qu’il a données de plusieurs hommes célèbres, vint de Londres à Paris pour frapper celle de Montesquieu.

D’abord il éprouva la même résistance : plus adroit que La Tour, il sut en triompher par une saillie[3].

Mais si quelque chose étoit fait pour flatter Montesquieu, c’étoit la vénération des étrangers. Les Anglais, mêmes, ces fiers insulaires, si jaloux de leurs avantages, et si peu disposés à reconnoître en nous quelque supériorité, n’ont fait encore qu’une exception, et cette exception est en faveur de l’auteur de l’Esprit des Loix. Oui, Messieurs, plus d’une fois il fut cité dans le Parlement d’Angleterre, plus d’une fois il y fit autorité.

Quelle que soit la vénération des sages pour ce grand homme, je ne sais si elle n’est encore au-dessous de son mérite, ne craignons pas de le dire ; lorsqu’il développe les ressorts cachés qui font mouvoir le monde politique, il est l’image d’une intelligence supérieure ; mais lorsqu’il employe ses talens à tracer aux hommes des lois faites pour assurer leur repos, et à les conduire au bonheur par la raison, il est l’image de la Divinité.

L’importance des ouvrages dont nous avons parlé ne doit pas nous faire passer sous silence quelques opus-

  1. D’après Risteau, cité par M. Vian, p. 389 et sv., Latour ne fit jamais son portrait.
  2. Dassier, et non d’Acier. (V. M. Vian, loc. cit., ibid.)
  3. Croyez-vous, répliqua-t-il à Montesquieu, qu’il n’y ait pas autant d’orgueil à refuser la proposition qu’à l’accepter ? » — Cette anecdote n’est pas citée par M. Vian. (Loc. cit., ibid.)