Page:Marat - Les Pamphlets, 1911, éd. Vellay.djvu/120

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que M. Necker n’a pas honte d’offrir à la nation, comme le fruit de ses veilles, comme le prix de la folle admiration qu’elle a pour lui.

L’impôt désastreux dont elle à fourni le décret a été voté par acclamation par le législateur. Malgré ce prétendu vœu national, et la sanction dont il est revêtu, l’administrateur des finances y compte si peu, qu’il a cru devoir l’étayer d’une proclamation royale. Après y avoir invité les Français à se conformer aux dispositions de la loi, il cherche à piquer leur amour-propre, en leur criant que l’Europe entière a les yeux sur eux, pour juger de l’étendue de leur attachement au bien de l’État : « car, dit-il, si le vœu de la première assemblée nationale, si les pressantes invitations du monarque, si la situation des affaires, si le danger imminent des circonstances, ne peuvent déterminer à un sacrifice d’argent momentané, il faudrait désespérer des ressources de ces vertus publiques, auxquelles on met aujourd’hui sa confiance ». Vaine supplique ! paroles perdues ! pour colorer une opération désastreuse, que toutes les plumes patriotiques devraient se faire un devoir de décrier, si elle ne l’était pas déjà par ses dispositions vexatoires. Et quelle confiance, je vous prie, les bons citoyens pourraient-ils avoir dans un projet décrété aveuglément, comme si le législateur eût été vendu au ministre[1] ? Ne

  1. J’entends répéter de toutes parts que l’Assemblée nationale a très sagement fait d’accepter de confiance le plan de M. Necker, ne pouvant garantir ni le succès du plan qu’elle n’a point fait, ni la fidélité des comptes qu’elle n’a point examinés, ni les événements qu’elle n’a pu prévoir ; car, comme quelqu’un l’a fort bien dit, il faut que son crédit soit intact, et que la chose publique reste tout entière dans elle-même. Beau raisonnement ! Quoi donc ! l’Assemblée nationale, faite pour veiller au bonheur de la nation, et lui donner de sages lois, doit se conduire en aveugle dans des opérations qui intéressent infiniment la chose publique ? Elle aura dû, sans connaissance de cause, revêtir de sa sanction un impôt désastreux, dont les suites funestes sont incalculables ? Elle sera à couvert de tout reproche, pour s’être ménagé le pitoyable