Page:Marat - Les Pamphlets, 1911, éd. Vellay.djvu/121

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voient-ils pas clairement qu’au lieu de travailler à leur assurer le repos, la liberté, le bonheur, on ne cherche qu’à leur accrocher de l’argent, pour leur forger de nouvelles chaînes[1] ? Qui pourrait en douter ? L’administrateur des finances, tremblant d’être renvoyé, s’efforce de recrépir le palais du despotisme. Écoutez ses discours artificieux, comme il cherche à dégoûter l’assemblée de construire le temple de la liberté. « Ce n’est pas sur des décombres, et au milieu des clameurs de tous les citoyens, que vous élèverez solidement l’édifice de notre bonheur. La vie est trop courte ; les pensées des hommes sont trop circonscrites, pour qu’on puisse leur offrir, en dédommagement de leurs maux, la satisfaction incertaine des générations suivantes. » Les conséquences sont faciles à tirer.

Parlerai-je ici du sacrifice de quelques minces bijoux, gages précieux de la tendresse conjugale, auquel il invite les femmes[2] des paysans, dans un discours politique qu’elles ne liront point ? Quoi ! c’est aux pauvres habitants de la campagne, à des malheureux déjà si épuisés, qu’il cherche à inspirer des actes de patriotisme au-dessus[3] de leurs

    prétexte de dire à l’auteur : cela vous regarde, je m’en lave les mains. Et on allèguera pour excuse l’exigence supposée des circonstances ! Comme si quelques jours de retard consacrés à l’examen avaient pu mettre en péril le salut de l’État ! Se peut-il que, dans le siècle des lumières, nous soyons réduits à présenter au lecteur des réflexions de cette nature ! (Note de Marat)

  1. On n’a pas oublié les tentatives réitérées du ministre, pour engager les États généraux et la municipalité parisienne, à rendre au Roi la plénitude du pouvoir exécutif. (Note de Marat)
  2. Voyez le no 26 de L’Ami du Peuple. (Note de Marat)
  3. « La femme d’un paysan donnera, s’il le faut, son anneau ou sa croix d’or ; elle n’en sera pas moins heureuse, et il lui sera permis d’en être fière. » Discours de M. Necker à l’Assemblée nationale… Quoi ! c’est ce ministre si scrupuleux, qui n’ose toucher à 8 240 000 liv. des deniers de l’État, que les princes dissipent scandaleusement ! C’est ce père du peuple si chanté, qui tout à coup renonce sans pudeur à ses entrailles paternelles, pour arracher du doigt ou du cou d’une paysanne une misérable breloque. Et de quel front, après un trait pareil, ose-t-il garder sa vaisselle,