Page:Marat - Les Pamphlets, 1911, éd. Vellay.djvu/125

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Sentant le besoin d’appuyer leur projet par la force, ils engagèrent la docile municipalité de Versailles[1] à demander des troupes, sous le prétexte de soulager la garde bourgeoise ; et ils choisirent le seul régiment de France qui eût refusé de prêter serment de fidélité à la nation. À peine arrivé, on cajola les officiers. Les gardes-du-corps et plusieurs commandants de la milice nationale passaient leur vie avec eux. À mesure que ces liens se resserraient, la faction aristocratique ne s’étudiait plus à dissimuler : livrée à une audace insultante, elle arrêtait la marche de l’assemblée par mille motions captieuses.

Les conjurés s’étaient assurés d’une troupe d’élite, satellites dévoués, dont ils travaillèrent à augmenter le nombre. Le premier octobre[2], les gardes-du-corps donnèrent, dans la salle de l’Opéra, un banquet, dont le duc de Guiche, capitaine de quartier, fit les honneurs, et où assistèrent le comte d’Estaing[3], plusieurs officiers et soldats de la milice bourgeoise, les officiers et les soldats du régiment de Flandre, et deux compagnies de dragons. Cette fête ne tarda pas à dégénérer en orgie ; les gardes-du-corps en firent tous les frais ; ils embrassaient les soldats, ils leur faisaient endosser leurs habits : ils voulurent les servir à

  1. Je puis certifier, d’après le témoignage de cent citoyens, que la milice bourgeoise de Versailles n’est pas moins indisposée contre sa municipalité et la plupart de ses commandants, que les patriotes de Paris ne sont indignés contre l’Hôtel-de-ville. Elle l’accuse hautement d’être vendue aux conjurés, et de l’avoir laissée sans munitions le jour de l’arrivée des Parisiens. Le moyen d’en douter ! (Note de Marat)
  2. Depuis huit jours, les gardes du corps couchaient tout bottés, pour être prêts à monter à cheval au premier signal. (Note de Marat)
  3. Tout Versailles assure que le comte d’Estaing avait dîné, quelques jours auparavant, chez le sieur Maitrau, capitaine de la garde bourgeoise, antipatriote fameux, et de plus boucher dans la rue des Deux-Portes : voilà de ces traits que M. le comte n’aurait pas dû omettre dans sa justification. (Note de Marat)