Page:Marat - Les Pamphlets, 1911, éd. Vellay.djvu/131

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soustraire les proscrits, et notamment le baron de Besenval, à la vengeance de la nation ; ce rôle de compère que jouèrent les comtes de Clermont-Tonnerre et Lally-Tolendal ; ce tour de passe que le premier se permit, en glissant à l’un des secrétaires des électeurs le décret d’amnistie qu’il avait préparé ; ces efforts perfides des conjurés pour empêcher le décret sur les droits de l’homme et du citoyen ; ces tentatives multipliées du ministre principal pour remettre le pouvoir absolu dans les mains du roi ; cet arrêt du conseil qui soumettait les citoyens à la tyrannie prévôtale, sous prétexte d’empêcher les émeutes ; ces difficultés élevées sur les décrets de la suppression des pensions, des redevances, des dîmes, et de la vénalité des charges, qui annonçaient dans le ministère le dessein de se faire un parti formidable du clergé, de l’ordre de Malte, des tribunaux, des négociants, des financiers, et de la foule

    du cabinet, pour consommer ces deux conspirations, ont été parfaitement semblables. Même projet d’affamer Paris, même dessein d’arrêter la marche de l’Assemblée nationale, de l’enchaîner par la crainte, ou de la dissoudre ; même trame pour faire échouer la constitution, même ton de despote inspiré au monarque, même refus de sanctionner les décrets, à moins qu’on ne remit entre ses mains la puissance suprême. Or, qui doute que M. Necker seul ne fût alors l’âme du cabinet ; qui doute qu’il n’eût lui-même ménagé au roi, par le veto, le prétexte du refus ; qui doute qu’il ne l’eût poussé à reprendre le ton d’un maître ; qui doute qu’il ne se fût efforcé de lui rendre le pouvoir absolu ; qui doute enfin de ses liaisons, de ses intrigues avec les courtisans, avec les ennemis de la patrie, les principaux conjurés ?

    Je ne dirai rien des entretiens secrets qu’on l’accuse d’avoir eu à Bâle, en Suisse, avec la duchesse de Polignac, et dont je serais peu surpris : tant d’autres faits notoires se réunissent pour l’inculper et le confondre ! Rappelé au timon des affaires, il revint en triomphateur ; il se crut tout-puissant, il trancha du souverain ; et le premier essai qu’il fit de sa puissance fut un acte de trahison. Du fond de sa voiture, il écrivit une lettre à la ville de Nogent, pour demander la liberté du baron de Besenval, accusé de crime de lèse-nation. À peine arrivé à Versailles, qu’il court à Paris ; il se montre à l’hôtel-de-ville, il se présente aux députés de la com-