Page:Marat - Les Pamphlets, 1911, éd. Vellay.djvu/151

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vagues, et de lui faire des politesses ; car la nouvelle de la victoire du peuple sur les conspirateurs était déjà publique, et les gens du roi avaient trouvé prudent de mettre de l’eau dans leur vin.

Un pareil décret décerné avec tant de légèreté contre un acte qu’autorisait le soin de veiller au salut de l’État, était un attentat contre la liberté individuelle, un outrage contre la liberté publique. J’en étais révolté, et je le dénonçai à la nation, en lui révélant la coupable témérité du sieur Flandres de Brunville. Aveuglé par son ressentiment, ce lâche oppresseur lança contre moi un second décret de prise-de-corps, qu’il essaya de faire mettre à exécution la nuit du 8 octobre, où une troupe d’alguasils fantassins et cavaliers, suivis d’une voiture, se présenta à ma porte pour m’enlever. On refusa d’ouvrir ; forcés de s’en retourner, ils disparurent avec le jour. Faisons ici une réflexion qui échapperait à la plupart des lecteurs ; elle a pour objet les désavantages des peuples qui défendent leur liberté contre les agents du pouvoir, ligués pour la détruire ; tandis que ceux-ci se permettent audacieusement mille attentats, et les commettent impunément sous le voile du bien public ; ceux-là ne font jamais impunément la moindre faute. Leur impute-t-on des crimes dont la preuve est notoire ? Ils gardent le silence. Se permet-on contre eux une seule imputation fondée, mais dont la preuve est équivoque ? Ils jettent les hauts cris, ils déclament contre la calomnie ; ils ont recours aux tribunaux ; ils se hérissent sans pitié, et se font des lois un instrument de fureur, pour écraser leurs ennemis. C’est ici le lieu d’établir un principe politique[1], sans lequel la liberté ne saurait

  1. Nous sommes si neufs en matières politiques, si imbus de sots préjugés, que nous ôtons aux hommes clairvoyants les moyens de nous empêcher de périr. Lorsqu’un citoyen éclairé dénonce les ministres, toujours ennemis du peuple, nous l’accusons de calomnie, à moins qu’il ne produise des preuves juridiques ; comme si un administrateur donnait par écrit les ordres de malverser, de pré-