Page:Marat - Les Pamphlets, 1911, éd. Vellay.djvu/164

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sentant comme incendiaire ; plusieurs lettres d’injures leur furent adressées sous mon nom. Instruit de ces lâches manœuvres par un membre du district, je me hâtai de les détromper en leur faisant connaître mon cœur ; ils ouvrirent les yeux, me rendirent justice, et repoussèrent avec indignation mes détracteurs[1].

C’est le sort du peuple d’être pris dans les pièges mêmes les plus grossiers ; et l’un des plus familiers aux ennemis publics est de rendre suspects les vrais patriotes, en leur donnant leurs propres noms. Les suppôts du despotisme ministériel, les valets de l’administration municipale, les déprédateurs[2] de l’État, en un mot tous ceux qui sont intéressés aux désordres publics, accouraient dans les cafés, répandre le bruit que j’étais un perturbateur du repos public, aux gages des proscrits ; ils couraient de boutique en boutique, pour ameuter contre moi la garde nationale, dont plusieurs chefs se concertèrent ; et telle était leur ivresse que l’un d’eux eut l’imprudence de parier que sous peu je serais au réverbère[3]. Cependant dix mille calomniateurs répandus de tous côtés répétaient que le district des Cordeliers, ligué avec l’aristocratie, avait formé un parti formidable pour opérer une contre-révolution, que l’Ami du Peuple devait se mettre à la tête, qu’on avait fait chez lui des amas d’armes, et que sa cour était garnie de canons. Quand les têtes furent échauffées, on prit jour pour la scène tragique. La veille on distribua des cartes dans les halles aux personnes de bonne volonté, pour les inviter à se rendre rue Montmartre no 22, à un bureau

  1. À propos de cette affaire de fausses lettres et des tentatives faites pour exciter contre Marat les faubourgs Saint-Antoine et Saint-Marcel, voir les deux lettres de Marat au district de Sainte-Marguerite, dans la Correspondance de Marat, pp. 122-127.
  2. Il y a dans le texte déprédations.
  3. Son nom est conservé dans le registre du corps de garde du bataillon des Cordeliers, avec la déposition du témoin qui constate le fait. (Note de Marat)