Page:Marat - Les Pamphlets, 1911, éd. Vellay.djvu/198

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serment, dans l’interrogatoire que cet estimable citoyen subit au Châtelet, relativement au baron de Bézenval.

Tant de faits constatés développent les causes secrètes de la famine qui nous assaille depuis si longtemps. D’autres faits constatés vont dévoiler les horribles manœuvres employées à altérer la qualité du pain, qui continue à répandre par tout le royaume des germes de mortalité.

M. Necker ayant fait une double spéculation sur l’aliment le plus nécessaire à la vie, et dont aucun Français ne peut se passer, mit tout en œuvre pour masquer ses opérations.

D’abord il essaya de rejeter sur les boulangers le mécontentement public. À l’entrée de l’hiver 1788, les ayant rassemblés pour leur demander une déclaration religieuse de leurs provisions, « il dit aux uns qu’ils étaient assez approvisionnés, aux autres qu’ils l’étaient trop ; à tous, que le pain était trop beau ; et il leur demanda s’ils ne pourraient pas mélanger leurs farines ». Bientôt il leur en épargna la peine. Il est certain que les sieurs Leleu faisaient moudre aux moulins de Saint-Jean des faverolles et de la vesce, dont ils mêlaient les farines à celle du blé.

Mais ce sont surtout les perquisitions des commissaires du district de Saint-Martin-des-Champs qui ont dévoilé ces œuvres de ténèbres. Il est constant par leur procès-verbal du 16 octobre, dressé à l’École-Royale-Militaire, qu’ils y ont trouvé des tas de blé, d’orge et de seigle[1], dont plusieurs étaient de mauvaise qualité ; des sacs et des tonneaux de farine pelotée, d’une saveur désagréable, et dans un tel état de fermentation, qu’elle exhalait une odeur infecte.

Ils y ont surpris des manœuvres occupés à faire le

  1. D’après le relevé, il y avait 910 septiers d’orge, 1 011 de froment, et 7 550 de seigle : ainsi le seigle était au froment ce que 7 est à 1. (Note de Marat)