Page:Marat - Les Pamphlets, 1911, éd. Vellay.djvu/208

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On voit pourquoi le Ministre et la Municipalité, tremblants de voir leurs malversations exposées au grand jour, ont été si empressés de se mettre à couvert derrière le rempart d’une loi martiale ; pourquoi ils ont ensuite été si ardents à persécuter les auteurs qui les avaient démasqués ; pourquoi l’Ami du Peuple a été décrété ; pourquoi le chevalier Rutledge a été emprisonné ; pourquoi MM. Martin et Duval[1] ont été jetés dans des cachots. On voit pourquoi ils ont si violemment attenté à la liberté de la presse ; pourquoi ils ont arrêté tant de colporteurs, enlevé tant d’écrits patriotiques, gratifié tant d’espions, et pourquoi, voulant enchaîner pour toujours la plume des amis de la patrie, ils viennent de corrompre la foi des imprimeurs, et de les transformer en vils délateurs par l’appât du gain[2].

Les attentats ministériels de M. Necker n’ont point de terme ; ils se succèdent continuellement, comme les flots pressés d’une mer orageuse.

Pour réduire le peuple au désespoir, et le forcer, par la crainte de la misère, à se rejeter dans les bras du despotisme, c’est trop peu de l’accaparement des grains, il a aussi recours à l’accaparement du numéraire, devenu déjà si rare par la perte du crédit public[3].

  1. Jean-Marie Martin et Pierre Duval de Stains étaient, l’un commissaire du district de Saint-Martin-des-Champs, l’autre citoyen du même district. Tous deux furent arrêtés le 24 octobre 1789 et ne furent remis en liberté qu’en février 1790 (Cf. Sigismond Lacroix, Actes de la Commune de Paris, II, pp. 432-436).
  2. Le Comité de police vient de faire proposer à tous les imprimeurs qui trahiront la confiance des auteurs, et livreront leurs manuscrits, un salaire double de ce qu’ils auraient compté pour leurs frais d’impression : raffinement de politique digne du spéculateur genevois, et dont les grands inquisiteurs de Sartine et Lenoir ne s’étaient pas encore avisés. (Note de Marat)
  3. Je ne sais si la plupart des causes auxquelles on attribue la rareté du numéraire ont beaucoup de solidité : quoi qu’il en soit, il est certain qu’il a disparu tout à coup du milieu de nous, peu