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question qui leur plaît : et comme ces confréries se tiennent toutes par la main, l’académicien de Paris se fait couronner à Berlin ou à Pétersbourg ; tandis que l’académicien de Pétersbourg ou de Berlin se fait couronner à Paris.

Que s’ils renoncent à la gloire d’auteur, ce qui leur arrive assez souvent, le mérite n’y gagne rien à les avoir pour juges : voici, cher Camille, quelques petites anecdotes qui te donneront une idée de l’intégrité de ces arbitres suprêmes des talents et du génie.

En 1779, le fils[1] d’un notaire de Paris engagea l’académie des sciences à proposer un prix sur l’indigo, il en fit les frais, concourut, fêta ses commissaires, et se fit adjuger la couronne.

Ce fait est de notoriété publique. En voici de moins connus.

En 1783, une académie de province proposa un prix sur la culture des mûriers. Elle reçut plusieurs mémoires, très faibles, à l’exception d’un seul qui venait de Montpellier. Mais comme c’était chose arrangée entre les commissaires chargés du rapport, que la couronne serait décernée à un compère qu’ils protégeaient : que firent-ils ? la chose du monde la moins honnête, mais la plus ordinaire ; ils communiquèrent le mémoire jugé digne de leurs suffrages à leur protégé : cet habile homme le fondit sans façon dans le sien, et fut proclamé vainqueur.

En 1785, une autre académie[2] de province fut engagée à

  1. Quatremer. (Note de Marat) — Il s’agit de Denis-Bernard Quatremère-Disjonval (1754-1830), qui fut couronné par l’Académie des sciences, pour un mémoire sur l’analyse chimique de l’indigo. Mais la date donnée par Marat est erronée, et peut-être ne s’agit-il même que d’une erreur typographique. C’est en 1776 que Quatremère obtint ce prix, et, l’année suivante, en 1777, il publia le mémoire couronné, sous le titre de Analyse et examen chimique de l’indigo.
  2. L’Académie de Lyon. (Note de Marat) — Marat fait certainement ici allusion à une aventure personnelle, car il prit part à ce concours, et envoya, le 27 mars 1786, un mémoire intitulé : Sur