res à se voir, sans s’embarrasser du lendemain. Tous voulaient être gais, mais de cette gaieté effrayante, avant-coureur de la mort. Dès qu’arrivait huit heures du soir, temps où l’huissier venait présenter les actes d’accusation, chacun, attendant son sort et, plongé dans ses réflexions, était dans une agitation morne et terrible. Aussitôt que les infortunés étaient fixés, ils prenaient leur parti avec une espèce de joie d’être quitte des inquiétudes et des incertitudes. Quant aux autres, ils jouissaient de la pensée de vivre encore vingt-quatre heures et d’être sauvés peut-être » (II. 346).
La surexcitation était certainement moins grande dans les prisons de province ; le danger y était moins imminent. Aussi, à Blois comme à Pont-Levoy, n’était-il nullement nécessaire de garder bien étroitement les détenus ; ils n’avaient, aucune envie de s’évader. Un jour, le domestique de Dufort vient l’avertir qu’une des portes de la prison n’est jamais fermée. C’est une porte condamnée ; quelques clous en ont été arrachés ; il suffit de la pousser pour l’ouvrir. Va-t-on profiter de l’occasion, fuir cette prison d’où l’on pouvait ne sortir que pour être conduit à l’échafaud ? Nullement. Dufort s’empresse de faire prévenir le concierge, et le prie de reclouer la porte et de veiller mieux désormais à la sécurité des habitants de la maison. C’était le terroriste Gidouin, le second violon du marquis de Rancogne,