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l’embrassait pour la saluer ; il se retournait vers le domestique pour le supplier de prendre sa place à table afin d’avoir la satisfaction de le servir à son tour ; puis, apercevant une jolie servante, il engageait le jeune fils de Dufort à en faire sa maîtresse, pour prouver ensuite son républicanisme en l’épousant ! Pendant le dîner, Dufort ayant parlé des dangers dont il se sentait menacé, Velu s’était écrié : « Est-ce que je n’en cours pas autant, moi ? Dans trois mois j’aurai le cou coupé ; mais il faut prendre son parti » (II. 164). Quand Velu fut arrêté à son tour, il put se rendre compte des sentiments qu’il inspirait à ce peuple au nom duquel il avait prétendu parler. Après son élargissement, ce fut pis encore : reconnu à Orléans dans une voiture publique, la foule le fit descendre, le traîna devant l’étal d’un boucher, le força à se mettre à genoux et lui versa sur la tête un baquet de sang !

La chute de Robespierre était attendue aux Carmélites avec impatience. Elle y était prévue ; on y avait su que Tallien avait renvoyé à ses amis les lettres qu’il avait reçues d’eux ; on en avait conclu qu’il était sur le point d’engager la lutte suprême (II. 237). Après le 9 thermidor, les prisonniers de Blois attendirent encore longtemps leur mise en liberté. Des représentants en mission avaient été chargés de parcourir les départements, d’épurer les autorités et de libérer les prisonniers. Celui qui