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accolés » (II. 380), désertent de toutes parts. Une colonne de 400 conscrits fait étape au château de Blois ; 100 disparaissent pendant la nuit, et l’autorité fait des battues dans les bois pour les retrouver (II. 411 et 413).

Beaucoup de Français cherchent à s’expatrier. Un ami de Dufort, Olavidès, Espagnol de grande naissance et de grande fortune, qui depuis quelques années habitait la France, retourne en Espagne. « S’il avait voulu emmener une colonie de Français, écrit Dufort, rien ne lui eût été plus facile. Il est accablé de demandes, de lettres, de visites, et moi par contre-coup… La Révolution, les réquisitions, la perte de toutes les fortunes, déterminent à sortir du pays, surtout depuis qu’on ne court plus le risque d’être déclaré émigré » (II. 381).

La situation devient tellement intolérable que Dufort lui même songe à fuir la France ! Lui qui avait refusé d’émigrer au commencement de la Révolution, qui était resté à son poste de Français et de grand propriétaire, malgré les menaces de la guillotine et de la prison, est poussé à bout par les lois spoliatrices et les persécutions du Directoire. Il envie presque le sort des déportés ! « Quoique mes soixante-dix ans me mettent à l’abri de la déportation, je m’y serais résigné pour ne plus être exposé à des vexations et peut-être à quelque chose de pire, mais le répit qu’on me laisse me