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le charme de l’histoire

absurde et ridicule d’avoir trahi le pays, pillé les arsenaux et vendu à vil prix des armes à l’étranger. Il n’eut pas de peine à faire justice de ces calomnies, mais il en ressentit une douleur profonde dont le souvenir attrista longtemps son âme[1].

Peu de mois après, la majorité qui venait de le renverser fut emportée à son tour par le 18 Brumaire. Treilhard ne prit aucune part au coup d’État, mais il se rallia au nouveau régime. Il accepta l’ordre sans la liberté, comme il avait accepté les rêves d’or de la Constituante, les colères de la Convention et les impuissances du Directoire. On a dit de lui, qu’indiffèrent à la forme des institutions politiques, il n’attachait d’importance qu’aux conquêtes législatives et sociales de la Révolution. Modéré par tempérament, inclinant toujours, par une tendance peut-être inconsciente mais très marquée, à partager le sentiment de· la majorité, il avait accentué sa ligne politique à mesure que s’étaient déroulés les événements, et il avait suivi le courant, cherchant souvent à le modérer, rarement à le diriger, finissant toujours par s’y abandonner. Le seul jour où il se trouva vraiment en opposition avec la majorité, ce fut quand un vote très contestable l’exclut du Directoire ; ses deux

  1. Voir dans la Vie de J.-B. Treilhard, par M. Guyot d’Amfreville, p. 40, la note touchante écrite à cette époque par Treilhard, pour son fils, encore enfant.