Page:Marbeau Le charme de l histoire 1902.djvu/165

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
159
treilhard

collègues auraient voulu qu’il résistât ; mais il n’était pas fait pour la lutte ; il les abandonna et donna sa démission. Il dut sans doute à cette disposition de son caractère, autant qu’à la nature de son esprit qui le portait aux questions d’affaires plutôt qu’aux questions politiques, le bonheur de traverser, sans y laisser la vie, les années sanglantes de la Révolution ; pour tous les partis il était un homme utile plutôt qu’un homme redouté. Aussi, malgré les situations élevées auxquelles, pendant la période révolutionnaire, l’appelèrent toujours les hautes facultés de son intelligence, il eut peu d’influence sur la marche des événements, et si sa carrière s’était terminée au moment où il tomba du Directoire, son souvenir eût été vite effacé. Il aurait eu le sort de tant d’autres dont les noms remplissent aussi les colonnes de l’ancien Moniteur, et qui, n’ayant été ni de ceux qui tuent ni de ceux qui se font tuer, sont retombés dans l’oubli aussitôt que le calme fut rétabli et que le fleuve social eut repris son cours ; leur notoriété a été aussi éphémère que le hasard qui les avait portés au pouvoir.

La suite des événements réservait un autre sort à Treilhard et à Merlin de Douai, son collègue et son ami, comme lui jurisconsulte éminent, et comme lui plus propre aux travaux silencieux du cabinet qu’aux hautes responsabilités du pouvoir. Ils furent