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les contes de perrault

panoramas les peintres ont soin de placer en avant de la toile, bien en lumière, quelques objets réels qui semblent ensuite se continuer sur le tableau et qui créent l’illusion. Les contes sont des témoins aussi fidèles que les correspondances et les mémoires, aussi sûrs que les écrits des moralistes et les pièces de théâtre ; ils évoquent, non plus l’esprit des lettrés, mais l’âme du peuple ; ils peuvent donc devenir l’objet d’une étude instructive pour qui se plaît à rechercher ce que pensaient les hommes d’une certaine époque, comment ils concevaient la nature, comment ils comprenaient la vie.


Voyons par exemple la Belle au bois dormant. Quand elle s’endort pour son sommeil de cent ans, la bonne fée sa marraine endort avec elle toute sa maison. C’était une princesse, fille d’un roi et d’une reine, et il fallait bien que, quand elle se réveillerait, elle retrouvât autour d’elle tous ses serviteurs. Ceux-ci n’avaient pas été maudits comme elle par une fée malfaisante ; mais ils lui appartenaient ; leur rôle sur la terre était de partager son sort. Ce détail ne jette-t-il pas un trait de vive lumière sur les idées de l’époque ? L’expression même que nous venons d’employer et que l’on retrouve dans les écrits du temps, n’est-elle pas une image frappante ? « Ils appartenaient à la princesse » ! De même que l’homme, ce roi de la création, se figure que la terre