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le charme de l’histoire

et tous les êtres qui l’habitent ont été créés pour le servir, Louis XIV ne doutait pas que Molière et Perrault, Colbert et Vauban n’eussent été mis au monde tout exprès pour concourir à sa gloire ou pour accroître sa puissance. Lafontaine disait des Grands :

…« Ils se mettent en tête
Que tout est né pour eux, quadrupèdes et gens,
Et serpents ! »

Il faut que cette idée réponde à l’un des sentiments les plus naturels et les plus durables de notre cœur ; car, même dans un âge qui se prétend démocratique, nous en avons conservé quelque chose. Encore aujourd’hui l’étiquette veut qu’un roi, ou, à défaut du roi, un simple prince soit partout chez lui ; c’est lui qui fait les honneurs, lui qui donne des ordres chez ses hôtes. Moins fier que le charbonnier de la légende devant François Ier, le bourgeois gentilhomme du xixe siècle qui a l’honneur grand de recevoir un prince, veut prouver qu’il sait son monde et affecte de n’être pas maître en sa maison. De temps en temps, ce préjugé suranné donne lieu à des incidents qui prêtent à rire à une époque où les rois cessent parfois de régner, et où les chefs d’État ne sont pas tous nés sur les marches d’un trône.

Toutefois, cette réminiscence arriérée de la vieille étiquette des cours n’est qu’un genre et ne répond plus à la réalité de nos mœurs ; si l’auteur de la