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les contes de perrault

présentent de curieux exemples. Dans les contes de Perrault, aucun personnage, pas même ces petits enfants si sages ou si malheureux, ne fait sa prière. Une seule fois, quand Barbe-Bleue va tuer sa femme, celle-ci, cherchant à gagner du temps, de­ mande un quart d’heure pour « recommander son âme à Dieu ». Mais ce détail, ajouté certainement après coup à la tradition primitive, est un anachronisme, une allusion banale et indifférente aux habitudes pieuses des temps nouveaux. La prière n’est là qu’un incident accessoire et sans importance ; elle n’est pas un élément nécessaire et voulu du récit. Dieu ne joue aucun rôle dans la suite des évènements ; ce n’est pas à lui que la victime demande secours ; ce n’est pas lui qui la sauve en faisant arriver à temps ses deux frères, le mousquetaire et le dragon. Quand le conteur a besoin, pour faire réussir une entreprise difficile, de recourir à un pouvoir que n’arrêtent pas les limites de la vraisemblance matérielle ou morale, il fait intervenir une fée, ou tout simplement un roi, c’est-à-dire un être dont la puissance magique ou dont le caprice n’a pas de bornes ; ce personnage fait ce que le lecteur attend et désire, sans que Dieu s’en mêle. Le miracle, dans le sens religieux, est ici remplacé par la féerie ; le surnaturel par le merveilleux.

Perrault écrivait cependant pour les enfants, et,