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le charme de l’histoire

une vraisemblance que n’obtenait jamais le plus ingénieux travail des lettrés. Dès lors il l’adopta, et quand, se décidant à publier ses contes, il les mit sous le nom de son fils Perrault d’Armancourt, il ne fit que rendre hommage à la vérité.

Quoi qu’il en soit de cette légende, le style de Perrault, simple, sans recherche et sans prétention, d’une naïveté qui semble naturelle et non voulue, est merveilleusement approprié au genre. L’auteur parait vraiment croire ce qu’il raconte. Tout concourt à la vraisemblance, les répétitions, les mots archaïques. La répétition, en effet, est une des formes que prend naturellement la pensée chez les peuples enfants ; elle est à l’idée ce qu’est aux mots le retour des mêmes consonances ou la cadence d’un rythme régulier résultant de la même succession de brèves ou de longues. « Bonnes gens qui fauchez… Bonnes gens qui moissonnez… vous serez hachés menu comme chair à pâté »… La cadence et l’assonance produisent ici un effet analogue à celui des vers, cette première forme dans laquelle s’est partout exprimée la pensée populaire. Quant aux vieux mots tombés en désuétude qui, à force d’être oubliés, sont redevenus jeunes, ils nous transportent dans ces temps d’autrefois où le merveilleux était possible, puisque les hommes y croyaient ! « Tire la chevillette, la bobinette cherra ». Ces trois mots d’un autre âge semblent une incan-