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le charme de l’histoire

mes, et c’est elle d’ordinaire qui nous met plus au­ dessus d’eux que la naissance, les dignités et le mérite même » (399). Ainsi, pour La Rochefoucauld, la naissance, les dignités, le mérite, c’est cela, et non point la richesse, qui met un homme au-dessus des autres. Il écrit pour ceux qui, comme lui et autour de lui, possèdent ces biens ; et il étudie avec soin les sentiments, les faiblesses, les inimitiés qui sont le partage accoutumé de la grandeur. Il nous parle de la modération dans la haute fortune (18), du danger d’occuper un emploi plus grand que son mérite (419), des qualités nécessaires pour s’élever dans les grandes affaires (453, 399, 343, 239, etc.) de l’envie qui s’attache au succès : « L’approbation que l’on donne à ceux qui entrent dans le monde vient souvent de l’envie secrète que l’on porte à ceux qui y sont établis » (28). — « La haine pour les favoris n’est autre chose que l’amour de la faveur. Le dépit de ne pas la posséder se console et s’adoucit par le mépris que l’on témoigne de ceux qui le possèdent, et nous leur refusons nos hommages, ne pouvant pas leur ôter ce qui leur attire ceux de tant le monde » (551. Comme cette pensée si fine et si vraie porte bien sa date ! Quel moraliste aujourd’hui son­gerait à nous parler de la faveur ou des favoris ? Non que ces choses ne puissent encore exister ; mais elles sont trop précaires et trop peu importantes pour exciter l’envie ou la colère, ou même pour