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dufort de cheverny

adroite, faisait parvenir plus facilement les réclamations, et souvent rendait service » (I. 320). Dans cette société singulière, la maîtresse du roi était devenue un rouage indispensable, presque une institution de l’État. Les ministres reconnaissaient officiellement son autorité. Avant que sa haute faveur ne fût ouvertement affichée, Mme  de Pompadour avait demandé pour son mari une place de fermier-général. Orry, contrôleur général, la lui refusait. « Monsieur, finit-elle par lui dire, je serai obligée de vous faire demander la place par quelqu’un à qui vous ne pourrez la refuser ». — M. Orry la reconduisit quelques pas et, en la quittant, lui dit avec humeur : « Madame, si vous êtes ce qu’on dit, j’obéirai, mais si vous ne l’êtes pas, vous n’obtiendrez rien ». — Il paya le compliment de sa place, ajoute Dufort, aussitôt qu’elle fut reconnue maîtresse du roi (I. 190).

Les ambassadeurs, comme les ministres, s’inclinaient devant cette puissance. Le jour de sa réception officielle, Kaunitz n’eut garde de quitter Versailles avant d’avoir présenté ses hommages à Mme  de Pompadour. Elle lui avait fait exprimer par Dufort son désir de le recevoir. Il se rendit chez elle avec ses cavaliers d’ambassade et avec l’introducteur des ambassadeurs, aussitôt après avoir été reçu par le roi, la reine et les princes du sang. Le cérémonial fut exactement le même. « Il entra seul avec