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sabine

Octave Rémy s’éloigna, laissant son jeune compagnon se diriger vers le salon japonais.

Cette conversation se tenait chez Mme Abel, dite Mme Barras, qui donnait une soirée avant son départ pour Rome.

En ce moment, une belle voix creuse, d’au moins six pieds de profondeur, sonnait comme un cuivre dans le petit salon oriental :

— Faire des vers… couper des cheveux en quatre ! Qu’est-ce que ça signifie, faire des vers ? Mais c’est souffler dans le derrière d’un noyé. Les vers ? ça a une certaine grâce décorative, — je ne dis pas le contraire — mais c’est tout, bonnement un éventail entre les mains d’un homme. Or, l’homme a autre chose à poursuivre qu’à tenir un éventail. Du reste, un homme ne peut être qu’un employé, un courtisan, ou un révolté.

Celui qui expectorait cette tirade se taisait une seconde et reprenait de plus belle :

— L’antiquité ? Homère ? Virgile ?… des blagues ! Ça n’est pas vrai ! Ça n’existe pas ! C’est de la convention ! L’antiquité ? c’est inséparable dans ma tête du pain sec, des supplices que m’infligeaient les pions, des engelures, du collège où j’ai failli crever.

— C’est comme l’idée d’un Être suprême qu’on voulait nous incruster dans la cervelle. — Tenez, je me rappelle que lorsque, à la maison, mon père, professeur de rhétorique, devait démontrer preuves en mains l’existence de Dieu, il fallait acheter les livres nécessaires à cette démonstration ; — pour l’achat de