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sabine

maison tenant ses livres en partie double, dans la littérature dont elle se constituait l’expression. Peu à peu on en arrivait à la généralité de cette formule : — Oh ! il n’y a qu’elle, il n’y a qu’elle ! — Elle, cela signifiait la grande lanceuse, la grande faiseuse, celle chez qui l’on venait chaque matin au nom des principaux journaux prendre le mot de passe, le mot d’ordre, celle qui donnait aux sommeils du président Barras la profondeur et l’importance d’une méditation. Chargeait-il brusquement les bûches du foyer avec la pincette ? Ainsi le Sénat se dissolverait quand il le jugerait bon. — En reconstruisait-il au contraire l’édifice en superposant des braises les unes sur les autres ? C’est qu’il était disposé à entrer dans une politique de conciliation, à ramener les partis en train de s’égorger. — À force de la voir près du président, dit Barras, dit le « grand manitou », et lui, penché à son oreille, la regardant d’un seul œil, de l’œil unique qui lui restait, paraissant accueillir et méditer des paroles qu’il n’entendait pas, on faisait silence, ainsi qu’à Versailles la troupe des courtisans berçant d’un discret murmure l’entretien de Mme de Maintenon s’efforçant d’empêcher le sommeil de tâtonner trop vite les sens du roi gâteux.

Mais qui pourrait dire ce qu’endurait cette femme affolée de considération, dans ce milieu dont elle s’efforçait de sortir en sollicitant une présentation où elle pouvait, et dans lequel elle se trouvait obligée malgré tout de revenir ? Qui pourrait dire les tortures de cette gratteuse d’amour-propre politique encore suante