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sabine

proie à une épreuve plus cruelle qu’on ne l’aurait supposé. Un instant, il lui était venu à la pensée de se soumettre bravement à la vie provinciale ; au moment où elle crut réparer, grâce à de savantes manœuvres, les échecs de son mari, elle caressait l’espoir de vivre en Berry et d’y laisser doucement mourir ses sens. Vain espoir ! à cette organisation à la fois blagueuse et sentimentale un seul milieu convenait, celui du monde parisien.

— On découvrirait beaucoup de choses en moi, je t’assure, répétait-elle à Renée, si, au lieu de me regarder à l’endroit, on me regardait à l’envers.

En effet, ce caractère tissu de contrastes, de heurts, d’étrangetés, de caprices, au rebours de la banalité des autres caractères, ne pouvait être étudié de la même façon, et ne devait pas davantage rester en butte aux mêmes responsabilités. À certaines natures la vie sociale n’apparaît jamais dans sa gravité, parce qu’elles sont au-dessus de la convention. Une femme comme Sabine allait promptement se sentir des forces sans emploi. Le théâtre et le livre lui avaient servi d’initiateur ; et, pourtant, cette enfant qui s’imaginait tout savoir apportait dans le mariage autant d’ignorance des sens que de rouerie d’esprit ; mais, piquée par les hallebardes de la haine que l’on brandissait contre elle, son existence ne tarda guère à se déterminer nettement.

Ce fut à ce même moment qu’Henri Duvicquet reçut la lettre suivante :