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sabine

comme des formes dont elles se désenchantaient lentement et qu’elles rendaient à ces mêmes lugubres vapeurs chargées de les dissoudre.

Le postillon descendit enfin pour allumer, et cette lueur de lanterne qui remua dans l’attristement du crépuscule éveilla le muet personnage de la diligence. Cette oscillation qui courut le long de la route mit comme un réchauffement dans son être glacé. Ses regards plongèrent dans les ténèbres pour y distinguer quelque chose, pour y sonder quelque bruit ; mais le silence se maintenait inquiétant ; c’était comme une menace voilée dans l’obscurité, comme un avertissement qui lui montait à l’oreille, que là-bas, au terme désiré, ne se trouverait pas ce qu’il venait y chercher. Et plus la voiture marchait, plus la nuit s’affirmait repoussante, mauvaise, nuit sans lune, faite pour vivre les phases d’abandon, pour forcer le cœur à courir deux ou trois hautes bordées de désespoir.

Un ralentissement s’opérait enfin dans l’allure de l’attelage essoufflé, et l’arrêt définitif des chevaux en face d’une large grille amenait un jardinier et une femme âgée sur le seuil…

— C’est Mme Raimbaut ! s’écriait la vieille femme avec une exclamation de joie.

— Ah ! Solange, c’est vous ! Bonsoir, Louis… Eh bien, où est madame ? continuait la nouvelle arrivée en levant un regard vers les vitres sans lumière.

Un pressentiment atroce la saisit ; un éclair jaillit de son cerveau.