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sabine

mentons glabres conservaient des tons de volaille faisandée. Oui, cette dinde truffée représentait, certes, la coterie élyséenne, buvant, bafouant, ruminant, digérant et s’inféodant entièrement dans le ventre du grand Manitou, qui l’absorbait, et qui, après que magistrats et présidents avaient été triturés dans ses intestins, allait dégorger toute cette rinçure du prétoire, tous ces détritus infects dans l’égout, d’où cette pourriture empuantait Paris.

Le cardinal Josué, le larmoyeur du siège, les mains nouées sur son ventre, dans sa pose habituelle de diseur d’orémus, songeait au récit qu’il donnerait dans son journal le Coq gaulois de la distribution du service ; on s’amusait à raconter, à voix basse, qu’à côté de sa femme, la bête du Gévaudan, qui réalisait d’assez bonnes spéculations en patronnant les écoles professionnelles, le cardinal jouait le rôle de saint Antoine, suivi de son inséparable compagnon. Et, comme la conversation continuait avec une douce jovialité, on se demandait si les cuisses de la dame seraient toujours longues à faire flamber.

À ce moment, le Manitou voulut porter un toast. Le silence s’établit ; mais Barras parvint à peine à lever son verre. Il retomba assis, la tête ballante, la main inerte, en bafouillant. Ses voisins réussirent, non sans peine, à l’empêcher de tomber ; pourtant, sur un signe de Mme Abel, on l’entraîna dans le petit salon japonais…

Et la triomphale goujaterie de ces gouvernants