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sabine

— Ah çà, mon cher, reprit-elle d’un accent sarcastique, vous figurez-vous, par hasard, qu’il y ait beaucoup de femmes bâties comme moi ?

Duvicquet se tut et regarda l’orgueilleuse créature dont les narines battaient d’un rythme précipité.

— Non ! vous dites vrai, fit-il simplement.

Il voyait l’éclat sourd de ses yeux fixer deux points lumineux à travers l’obscurité de la pièce. Dans le rire amer, strident qui coupait ses paroles, il retrouvait l’ancienne Renée.

— Voyez-vous, poursuivit-elle, vous et moi sommes les vestiges d’une époque qui ne reviendra plus. La force de résistance de nos deux natures fanatiques n’est pas de ce monde. La fin du siècle veut autre chose. L’enfant, que j’aime à l’égal du mien, cette enfant n’aimera pas comme j’ai aimé, allez ! Elle n’aura pas à un degré aussi fort que moi, quoi qu’elle prétende, mes ivresses à se répéter en humant l’odeur de bourgeois : — Dieu ! qu’ils sont sales et qu’ils sont laids ! — Non, elle finira par souffrir de leur dédain, et je vous avoue que voir souffrir Sabine…

— Inutile d’insister. Je ne le pourrais pas non plus. Quand nous amenez-vous M. Raimbaut ?

— Demain, dans deux jours, quand il vous plaira.

— Dites donc, chère amie, si on menait rondement les choses, et qu’en trois semaines tout soit terminé, hein ?

— Trois semaines, c’est peut-être un peu court. Trois semaines…