Page:Marcel Schwob - Œuvres complètes. Écrits de jeunesse.djvu/137

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d’argent. Sans doute ce n’était pas comme de semblables idoles qu’Homère considérait ces dieux ; peut-être même ne comprenait-il plus le véritable sens des refrains qu’une tradition artistique et religieuse le contraignait à employer.

Ainsi l’Art Homérique n’est pas une floraison spontanée ; l’hexamètre n’a pas jailli soudain des lèvres du plus grand des poètes ; une longue génération d’artistes avant lui s’étaient essayés aux mêmes sujets et avaient consacré la même forme. — Il ne serait pas plus rationnel de soutenir que Thespis, Phrynichos et Susarion sont les seuls prédécesseurs d’Eschyle et d’Aristophane. Nous sommes tellement habitués à faire d’Eschyle le premier degré du temple que Racine et Corneille ont élevé à Sophocle et à Euripide, que nous examinons surtout son procédé dramatique pour mettre en lumière la supériorité des deux autres. Si on nous pousse, nous dirons que le drame d’Eschyle est primitif et lyrique, que la fatalité souffle dans toutes ses tragédies ; que ce poëte est un sombre visionnaire ; enfin, qu’on trouve dans sa trilogie, “l’Orestie” des “scènes shakespeariennes”.

Si on nous demande ce que nous pensons d’Aristophane, nous répondons que c’est un pamphlétaire spirituel, grand poëte lyrique, qu’il possède une force comique irrésistible ; que le plan de ses comédies en général est assez faible ; que les Nuées, qui sont le mieux exécutées, ont fait condamner Socrate ; que d’ailleurs son théâtre est semé d’ordures, fort grossières ; qu’il est homme fin mais borné, mais aristocrate ; qu’enfin ses pièces “sont le régal des délicats et le charme de la canaille”.

Une étude sincère de ces deux poètes nous mon-