Page:Marcel Schwob - Œuvres complètes. Écrits de jeunesse.djvu/84

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charmant. Aussi, ma fenêtre était l’estrade où je paradais tous les jours. Dans la cour voisine plusieurs personnes assez jolies du reste se partageaient mes œillades. Une entre autres, jeune fille qui cousait et lisait alternativement le journal et des romans loués, me semblait poétique au suprême degré. Je brûlais pour elle de l’amour le plus byronien ; et comme j’étais myope, il me semblait voir la Vénus de Milo. Je crus bientôt avoir produit sur elle une impression favorable et j’attendis qu’elle me le prouvât.

Un jour — c’était en été et elle cousait à sa fenêtre — je la vis s’arrêter ; il me sembla qu’elle me jetait de doux regards ; je la vis porter sa main à ses lèvres : elle devait m’envoyer le plus chaste des baisers. Je me précipitai vers ma lorgnette, je courus à la fenêtre : sa main était toujours posée sur ses lèvres : “Oh ! je vous aime, m’écriai-je !”

Je pris la lorgnette, je regardai :

Horreur ! Elle se fourrait les doigts dans le nez !