Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/124

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le peloton se serre ; il accélère sa marche. On surprend quelques sentinelles, et un poste avancé dont on massacre les soldats, qui s’étaient endormis, ne s’attendant à rien moins qu’à une attaque si hardie. La colonne allait pénétrer jusqu’au quartier royal si le sort eût continué de lui être favorable ;

(8) mais au bruit des pas, si léger qu’il fût, aux clameurs des blessés, le camp se réveille, et de tous côtés on crie aux armes. Les nôtres s’arrêtent, n’osant faire un pas de plus. C’eût été démence de s’aventurer plus loin, leur marche étant découverte, et toute l’armée perse accourant prendre part à l’action.

(9) Cependant les Gaulois, aussi vaillants de cœur que robustes de corps, ne laissèrent pas de faire bonne contenance, abattant de leurs épées tout ce qui osait les affronter de près. Mais déjà un bon nombre d’entre eux avait mordu la poussière ; les autres se voyaient au moment de succomber, sous la grêle de flèches qu’on leur lançait de toutes parts ; car les efforts de toute une multitude se concentraient sur cette poignée d’hommes, et chaque instant grossissait le nombre de leurs adversaires. Ils commencèrent donc à faire retraite, mais sans qu’un seul d’entre eux tournât le visage. Ils reculaient pied à pied, marquant le pas comme en mesure. C’est ainsi qu’ils repassèrent le fossé du camp, essuyant charges sur charges, et assourdis par un effroyable bruit de clairons.

(10) Aussitôt les trompettes sonnent également du côté de la ville, et les portes s’ouvrent pour recueillir les nôtres s’ils avaient le bonheur d’arriver jusque-là. On faisait en même temps jouer à vide la détente de toutes les machines, pour écarter par le bruit les troupes du cordon, qui ignoraient encore le sort de leurs camarades, démasquer les portes, et livrer à nos braves gens le passage libre jusqu’à nos murs.

(11) L’artifice réussit. Les Gaulois purent rentrer au point du jour, les uns blessés grièvement, les autres n’ayant reçu que de légères atteintes. Mais cette nuit leur avait coûté quatre cents des leurs ; car ce n’était pas à Rhésus, dormant avec quelques Thraces sous les murs de Troie, qu’ils avaient eu affaire, mais au roi de Perse lui-même, qu’ils eussent égorgé dans sa tente au milieu de ses cent mille hommes, s’il n’eût plu au destin de se déclarer contre eux.

(12) Après la perte d’Amida, l’empereur, en mémoire de ce beau fait d’armes, fit élever, sur la place principale d’Édesse, les statues tout armées des officiers qui avaient commandé le détachement. On les y voit encore aujourd’hui, parfaitement conservées.

(13) Le jour vint révéler aux Perses toute l’étendue de leur malheur. Des personnes de haut rang, et jusqu’à des satrapes, se trouvaient au nombre des morts. On entendit alors un concert de lamentations, variant selon l’importance des pertes. Les rois étaient indignés, et leur courroux s’en prenait à la négligence supposée des avant-postes, qui avaient laissé passer les Romains. On convint de part et d’autre d’une trêve de trois jours, ce qui nous procura quelque temps pour respirer.

Chapitre VII

(1) À l’étonnement dont ce coup les avait frappés succéda chez les Perses l’exaspération la plus violente ; mais toute tentative à force ouverte ayant échoué, ils ne songeaient plus qu’à presser vivement les ouvrages. Leur ardeur était au comble : ils étaient déterminés à mourir glorieusement sous les murs de la ville, ou à offrir en expiation sa ruine aux mânes de ceux qu’ils avaient perdus.

(2) Tout le matériel s’acheva avec une célérité extrême, et nous vîmes un matin, au lever de