Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/125

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l’aurore, des tours revêtues de lames de fer s’avancer contre nos murs. Leurs plates- formes étaient garnies de balistes, dont les coups, plongeant sur les remparts, en écartaient les assiégés.

(3) Le jour nous découvrit une perspective d’épais bataillons, formant un horizon de fer autour de la ville. Ils marchaient, non plus en désordre comme dans les attaques précédentes, mais en lignes serrées, et sans qu’un seul homme sortît des rangs, sous la protection de leurs machines, et couverts par des claies d’osier.

(4) Mais quand on fut à portée du jet de nos balistes, l’infanterie des Perses eut beau présenter le bouclier, aucun trait n’était perdu. Les rangs alors se relâchèrent. Les cataphractes eux-mêmes faiblirent, et furent contraints de se replier, ce qui releva singulièrement le courage des nôtres.

(5) Mais en revanche, sur tous les points exposés aux projectiles de leurs tours, les assiégeants reprenaient l’avantage par leur position dominante, et nous faisaient un mal considérable. La nuit qui survint suspendit l’effusion du sang. Nous en employâmes la plus grande partie à trouver un expédient pour conjurer, s’il était possible, les effets terribles de cet appareil de destruction.

(6) Après y avoir longtemps réfléchi, nous nous arrêtâmes à un moyen dont notre célérité assura le succès : c’était de placer quatre scorpions en opposition aux balistes. Le transport de ces engins, et surtout leur mise en batterie, est d’une difficulté extrême. Tandis qu’on s’en occupait avec les précautions nécessaires, le jour se leva plus menaçant que jamais, déroulant devant nos yeux les phalanges redoutées des Perses déjà rangées en bataille, et renforcées du train des éléphants. Rien de plus propre à terrifier les cœurs, même les plus intrépides, que les cris étranges et les proportions colossales de ces monstrueux animaux.

(7) Tout cet appareil formidable d’éléphants armés, de bataillons et de machines, nous pressait déjà de toutes parts, quand d’énormes boulets de pierre, lancés coup sur coup des frondes de fer de nos scorpions, vinrent disloquer les compartiments, briser les jointures des tours, et précipiter du haut en bas les balistes, avec les hommes qui les servaient, et dont les uns furent écrasés sur place par la chute des machines, les autres par les débris des tours, qui s’écroulaient sur eux. Les éléphants, environnés de feux qu’on lançait de tous côtés des remparts, et dont ils sentaient déjà les atteintes, rebroussèrent chemin, malgré les efforts de leurs conducteurs. Cependant l’incendie même des ouvrages ne ralentit pas le combat ;

(8) car (chose inouïe jusque-là) le roi, que l’usage dispense d’assister en personne aux batailles, frappé de cette succession de catastrophes, s’alla jeter comme un simple soldat au plus fort de la mêlée. Mais comme le groupe nombreux qui l’escortait le mettait trop en évidence, il devint bientôt le but d’une multitude de traits, qui fit autour de lui beaucoup de victimes, et le forçait de changer de place à tout moment. Cependant, ni le nombre des morts ne l’émut, ni la vue du sang et des blessures. Il fallut que le jour finit pour qu’il laissât à son armée quelques heures de repos.

Chapitre VIII

(1) La nuit amena donc une trêve forcée, et quelques instants purent être donnés au sommeil. Mais dès que Sapor vit reparaître le jour, et avec lui l’espoir de ressaisir sa proie, outré de colère et de douleur, et fermant les yeux sur ses périls, il ramena les siens au combat. J’ai