Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/191

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et, malheureusement pour son diocèse et pour lui-même, avait réussi à se faire ordonner évêque d’Alexandrie. On connaît (et cela par la voix même des oracles) la turbulence proverbiale de la populace de cette ville, et sa promptitude à s’insurger sans cause.

(5) La conduite de George ne fut que trop propre à attiser le feu de leurs esprits. Oubliant sa mission de paix et d’équité pour descendre au rôle de délateur, il était toujours prêt à désigner les Alexandrins à l’ombrageux Constance, comme hostiles à son gouvernement.

(6) On lui imputait entre autres griefs d’avoir malignement suggéré que le revenu des édifices de la ville appartenait au trésor, parce que le fondateur Alexandre les avait élevés aux frais publics.

(7) Mais un propos inconsidéré fut la cause immédiate de sa perte. Il revenait de la cour, et passant, comme à l’ordinaire, en somptueux équipage, devant le magnifique temple de Sérapis, il s’écria, en regardant l’édifice : "Jusques à quand laissera-t-on ce sépulcre debout ? " Sur le plus grand nombre de ceux qui l’entendirent ce mot fit l’effet de la foudre. On crut ce temple voué, comme tant d’autres, à la destruction ; et de ce moment il n’est pas de tentatives qu’on ne fît contre l’évêque.

(8) Au milieu de cette disposition des esprits, arrive tout à coup l’enivrante nouvelle de la mort d’Artémius. Un transport s’empare alors de tout le bas peuple : il se saisit de la personne du prélat, qui est en un clin d’œil terrassé, foulé aux pieds, et écartelé.

(9) Au même instant Draconce, directeur de la monnaie, et un certain Diodore qui avait le titre de comte, traînés tous deux par les pieds avec des cordes, subirent le même traitement ; le premier pour avoir abattu un autel nouvellement érigé dans le bâtiment de la monnaie ; le second parce que, présidant à la construction d’une église, il avait, de sa seule autorité, tonsuré plusieurs enfants, croyant voir dans leur longue chevelure une sorte d’hommage votif aux dieux.

(10) Non contente de cette barbarie, la populace chargea sur des chameaux les cadavres mutilés, et les transporta sur le rivage, où, après les avoir brûlés, on jeta leurs cendres à la mer ; afin, disait-on, que nul ne s’avisât de les recueillir, et de leur élever des temples. Allusion insultante à ces victimes d’une constance religieuse qui, plutôt que d’abjurer leur culte, ont souffert héroïquement les derniers supplices, et qu’on désigne aujourd’hui sous le nom de martyrs. Les chrétiens auraient pu s’interposer, et protéger ces malheureux contre une mort si horrible ; mais les deux partis exécraient George au même degré.

(11) Quand la nouvelle de cet attentat parvint à l’empereur, il s’en indigna, et voulut d’abord sévir contre ses auteurs. Mais on calma sa colère. Il se contenta de protester sévèrement par un édit contre de pareils actes, et de menacer du dernier supplice quiconque à l’avenir porterait atteinte à la justice et à l’ordre légal.

Chapitre XII

(1) Julien depuis longtemps méditait une expédition contre les Perses. C’était chez lui une résolution fortement arrêtée, et que lui inspirait le désir légitime de prendre du passé une revanche éclatante. Depuis soixante ans cette fière nation portait dans l’Orient la dévastation et le carnage. Ses succès étaient allés jusqu’à l’extermination