Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/192

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d’armées tout entières.

(2) L’ardeur de Julien avait une double cause d’excitation. D’abord, par impatience naturelle du repos, il rêvait toujours de clairons, et du fracas des batailles ; puis de glorieuses réminiscences remettaient sous ses yeux les luttes de son jeune âge contre des nations indomptées ; tous ces chefs, ces rois descendant près de lui jusqu’aux plus humbles prières, eux qu’on eût cru possible de voir abattus, mais jamais suppliants ; et il brûlait de joindre le surnom de Parthique à ses autres trophées.

(3) Les détracteurs ne lui manquaient pas toutefois. La malveillance et la pusillanimité s’effarouchaient de ses immenses préparatifs : ce déploiement de forces, à les entendre, était intempestif et dangereux. La transmission de l’empire ne pouvait-elle donc s’opérer sans une perturbation universelle ? N’ayant que ce moyen de faire obstacle, les mécontents ne cessaient de répéter, afin que le propos revint à l’empereur : "que s’il ne modérait cette ambition désordonnée, on le verrait, comme la moisson, par trop de sève succomber sous l’excès même de son bonheur."

(4) Mais toute cette opposition était en pure perte. Julien ne se montrait pas plus ébranlé des criailleries que ne le fut Hercule sous les efforts des Pygmées, ou du prêtre rhodien Théodamas.

(5) Il n’en suivait pas avec moins d’ardeur la pensée de son entreprise ; et de son coup d’œil supérieur, en mesurant toute l’étendue, il s’efforçait d’y proportionner les moyens d’exécution.

(6) D’un autre côté, les autels étaient littéralement inondés du sang des victimes. Il sacrifiait quelquefois jusqu’à cent bœufs ensemble, et, de menu bétail, une variété sans nombre, ainsi que des myriades d’oiseaux blancs qu’il faisait chercher par terre et sur mer. Aussi voyait-on chaque jour, par suite d’une licence qu’il eût mieux valu réprimer, les soldats donner dans les temples d’ignobles scènes de voracité et d’ivrognerie ; puis, abrutis par les excès, parcourir les rues sur les épaules des passants, qu’on obligeait de les convoyer à leurs quartiers. Les Pétulans et les Celtes, qui se croyaient alors tout permis, se signalaient surtout dans ces orgies.

(7) La dépense des cérémonies religieuses prenait une extension inusitée et sans bornes. Le premier venu, qu’il eût la science ou non, pouvait faire profession de prédire, et, sans caractère, sans mission, s’ingérer de rendre des oracles, et de chercher dans les entrailles des victimes l’avenir qui s’y manifeste parfois. La divination mit en œuvre le vol, le chant des oiseaux, toute espèce de mode d’interroger le sort.

(8) Au milieu de cette tendance des esprits, favorisée par les loisirs de la paix, la curiosité de Julien voulut s’ouvrir une voie de plus, en dégageant l’orifice obstrué de la prophétique source de Castalie. Ce fut, dit-on, l’empereur Adrien qui fit murer de grosses pierres la bouche de cette fontaine, parce qu’il y avait reçu jadis l’annonce de son avènement futur, et qu’il ne voulait pas qu’un autre y pût trouver un avertissement semblable. Julien ordonna l’exhumation des morts enterrés dans le circuit de la source, et la purifia, suivant le cérémonial mis en pratique en pareille circonstance par les Athéniens dans l’île de Délos.

Chapitre XIII

(1) La même année, le 11 des calendes de novembre, le vaste temple d’Apollon, élevé à Daphné par le violent et cruel monarque Antiochus