Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/226

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en outre à la résolution dont les assiégeants assemblaient être animés, les habitants eurent enfin recours aux prières. On les vit se répandre sur les tours et les remparts, et de là, tendant aux Romains des mains suppliantes, implorer leur commisération.

(20) Puis comme l’œuvre s’arrêtait, comme les travailleurs restaient inactifs, symptôme d’une suspension d’hostilités, ils demandèrent à conférer avec Hormisdas,

(21) ce qui fut accordé. Mamersidès, le commandant de la place, se fit alors descendre au moyen d’une corde, fut conduit à l’empereur ; et, après avoir demandé et obtenu la vie sauve pour lui et les siens, s’en retourna vers eux. Au compte qu’il rendit de sa négociation, tout ce qui était enfermé dans la forteresse souscrivit aux conditions stipulées. Le traité fut conclu avec les consécrations religieuses de coutume. Les portes s’ouvrirent alors, et tout le monde sortit, proclamant à haute voix la grandeur d’âme et la clémence de César, qui venait de leur apparaître comme un bon génie.

(22) On ne compta que deux mille cinq cents individus des deux sexes. Le reste de la population, prévoyant un siège, avait à l’avance évacué la ville dans de petites barques. On trouva dans la citadelle des approvisionnements considérables en armes et en provisions de bouche. On en prit ce qu’on jugea nécessaire ; le reste fut livré aux flammes, ainsi que la place elle-même.

Chapitre III

(1) Le jour suivant l’empereur, prenant son repas dans un moment de loisir, reçut une fâcheuse nouvelle. Le suréna qui commandait l’avant-garde des Perses avait surpris trois de nos escadrons, et, bien qu’il ne leur eût tué que très peu de monde, dont un tribun, s’était emparé d’un étendard.

(2) Julien en conçut une violente colère. Suppléant au nombre par la célérité, il se porta sur les lieux avec sa seule escorte, et tomba sur le parti ennemi, qui, frappé de terreur, se dispersa honteusement. Il cassa ensuite les deux tribuns survivants, comme lâches et indignes, et décima leurs escadrons, dégradant, avant de les faire mourir, ceux que le sort avait désignés ; le tout en conformité des lois anciennes.

(3) Après l’incendie de Pirisabora, Julien du haut de son tribunal rendit grâce à l’armée de sa bravoure, l’exhortant à continuer d’en donner des preuves, et lui promit une gratification de cent pièces d’argent par tête. Puis, s’apercevant des murmures excités par la modicité de la somme, il éleva la voix, et, d’un ton où perçait un généreux dédain,

(4) "Vous avez, dit-il, devant vous les Perses et leur opulence. Voulez-vous vous enrichir ? ayez le courage de prendre leur dépouille. Mais, croyez-moi, la république, qui disposait autrefois de tant de trésors, est aujourd’hui bien pauvre ; et la faute en est à ceux dont la bassesse osa conseiller à vos princes d’acheter des barbares, au prix de l’or, la paix et la liberté du retour.

(5) Le trésor est épuisé, les villes sont rançonnées, les provinces ruinées. Je suis de noble naissance ; mais ma fortune est nulle, et je n’ai hérité que d’un cœur étranger à toute crainte. Oui, plaçant tous les biens dans les qualités de l’âme, je ne rougis pas, moi, votre empereur, d’avouer ma pauvreté. Fabricius aussi fut pauvre de patrimoine