Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/230

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flèches, frondes, fragments de rocs, brandons, brûlots, mettent tout en œuvre pour les faire reculer. Les balistes ne cessent de jouer, et d’envoyer en sifflant des volées de traits continuelles ; et, les scorpions, partout où l’on put les ajuster, nous accablent d’une grêle de boulets.

(17) L’assaut se renouvela plus d’une fois ; mais vers midi la chaleur devint trop forte pour se battre et remuer les machines. Les deux partis durent suspendre, épuisés de fatigue et de sueur.

(18) Le lendemain avec même ardeur l’action recommença sous toutes les formes, et se termina comme la veille sans avantage décidé. Cependant le prince, présent partout, pressait la prise de cette ville, qui, en l’arrêtant sous ses murs, l’empêchait de frapper ailleurs de plus grands coups.

(19) Mais dans ces moments de crise le moindre incident a parfois les conséquences les plus inespérées. Vers la fin d’un assaut, au moment où, comme d’ordinaire, on se battait plus mollement, un dernier coup, négligemment donné par un bélier qu’on venait seulement de poser, fit écrouler la plus haute des tours de briques, laquelle entraîna dans sa ruine un pan considérable du mur contigu.

(20) La lutte alors se rengage avec des alternatives où se signalent l’élan terrible de l’attaque et l’inventive énergie de la résistance. Nul effort ne rebutait le soldat romain, enflammé d’ardeur et de colère ; nulle extrémité n’effrayait les assiégés, combattant pour leur salut. La nuit seule mit trêve, et fit songer au repos.

(21) Tout cela s’était passé à la face du ciel. Vers la fin de la nuit, on vint annoncer à l’empereur, que tant de soins tenaient éveillé, que les légionnaires qu’il avait chargés de pratiquer la mine avaient, en étayant les terres, poussé une galerie jusque sous les fondements des murailles, et qu’ils n’attendaient que ses ordres pour pénétrer dans l’intérieur.

(22) Le jour allait paraître ; la trompette sonne ; on court aux armes. L’assaut fut, à dessein, dirigé à la fois sur deux points opposés, afin que, dans le tumulte d’une défense partagée, l’attention des assiégés, distraite du bruit toujours plus voisin du travail des mineurs, ne songeât pas à leur opposer de troupes à leur sortie.

(23) L’ordre est exécuté, la garnison occupée, l’ouverture pratiquée. Exsupère, soldat de la légion Victorine, sort le premier, puis le tribun Magnus, puis le notaire Jovien. Ils sont suivis d’une troupe hardie. On égorge d’abord les habitants de la maison dans laquelle a débouché la mine ; puis, avançant avec précaution, on fait main basse sur les sentinelles, qui chantaient à tue-tête, suivant l’usage de leur nation, les louanges de leur juste et fortuné souverain.

(24) Ceux qui tiennent pour constante la tradition du dieu Mars en personne assistant Luscinus à l’attaque du camp lucanien, et admettent sans scrupule la possibilité d’une telle dérogation de la majesté divine, eurent ce jour-là une confirmation de leur croyance. Un guerrier d’une stature colossale, qui s’était fait remarquer au fort de l’assaut, portant seul une échelle, ne repartit pas le lendemain, et ne put être retrouvé, nonobstant toute enquête, dans une revue générale de