Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/237

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suite de la fonte des neiges, et partout la crue des torrents les faisait sortir de leur lit. Ce qui compliquait encore ces difficultés, on était dans la saison où la chaleur engendre en ce pays des myriades de mouches et de moustiques, dont le vol remplit l’espace nuit et jour, et obscurcit la lumière du soleil et celle des étoiles.

La prudence humaine n’offrant aucune solution, on éleva des autels, on immola des victimes, et les dieux furent consultés sur le point de savoir s’il fallait retourner directement par l’Assyrie, ou tourner les montagnes à petites journées pour tomber brusquement sur la Chiliocome, qui touche à la Gordyène, et la ravager. L’inspection des entrailles laissant la question indécise, on s’arrête enfin à l’idée d’occuper, faute de mieux, la Gordyène. Le 16 des calendes de juillet, l’armée était en marche depuis le point du jour, quand on vit apparaître à l’horizon ce qui semblait une épaisse fumée ou un tourbillon de poussière. On crut que c’étaient des ânes sauvages, dont la race abonde en cette contrée, et qui ont coutume de s’attrouper pour se garantir des attaques des lions. D’autres pensaient que c’étaient des hordes de Sarrasins qu’attirait sous nos drapeaux le bruit qui s’était répandu du siège prochain de Ctésiphon. Suivant une troisième opinion, c’était sans doute l’armée perse qui niait à notre rencontre. Dans cette incertitude et de crainte d’une surprise, on fit sonner le rappel, et l’armée, formant le cercle, campa tranquillement au bord d’un ruisseau, dans un vallon tapissé d’herbes et sous la protection de plusieurs lignes de boucliers. Ce rideau nébuleux resta en vue jusqu’au soir, sans qu’il fût possible de discerner ce qu’il cachait derrière lui.