Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/268

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regret, ceux-là par engouement, pour le nouvel ordre de choses. Tout le reste, jugeant qu’il y avait plus de sûreté partout ailleurs, quitta secrètement la ville, et s’enfuit à l’armée de l’empereur.

(2) Sophrone, alors simple notaire, et depuis préfet de Constantinople, précéda tout le monde dans cette émigration. Il atteignit Valens comme il allait quitter Césarée pour se rendre en Cappadoce, et de là attendre dans sa résidence d’Antioche, que la chaleur eût diminué en Cilicie. Sophrone lui fit un récit très circonstancié des événements de Constantinople, et sut présenter les choses de manière à persuader le prince, d’abord interdit et comme frappé de stupeur, de gagner au plus vite la Galatie, pour rendre aux esprits, par sa présence, la sécurité qui s’ébranlait.

(3) Tandis que Valens voyageait à grandes journées, Procope s’évertuait jour et nuit dans l’intérêt de sa cause. Il avait des affidés qui se disaient arrivant, ceux-ci d’Asie, ceux-là des Gaules, et qui annonçaient adroitement, avec une imperturbable assurance, que Valentinien était mort, et que tout se disposait en faveur du pouvoir nouveau.

(4) Convaincu qu’il faut brusquer la fortune, et qu’en révolution on ne va sûrement que quand on va vite, Procope voulut dès l’abord frapper les grands coups. Nébride, que la faction de Pétrone venait de faire préfet du prétoire en place de Salutius, et Césarius, préfet de Constantinople, furent jetés dans les fers. L’administration de la ville fut confiée à Phronémius, et la charge de maître des offices à Euphrase, tous deux Gaulois de naissance, et gens de mérite et de talent. Gomoarius et Agilo, rappelés au service, eurent la direction des affaires militaires ; choix dont l’événement démontra plus tard l’impropriété.

(5) Procope s’inquiétait beaucoup de la proximité du comte Jules, qui commandait pour Valens en Thrace, et qui pouvait, à la première nouvelle de la révolte, sortir de ses cantonnements et l’étouffer. Une lettre que Nébride, de sa prison, fut contraint d’écrire, soi-disant par l’ordre de Valens, attira Jules, sous prétexte d’urgentes mesures à prendre contre les barbares, jusqu’à Constantinople, où il fut étroitement renfermé. Par ce stratagème toute la belliqueuse Thrace avec ses ressources fut acquise à la rébellion sans combat.

(6) Ainsi les débuts lui étaient favorables. Araxius à force d’intrigues, et par l’appui de son gendre Agilo, obtint la préfecture du prétoire. De nombreux remplacements eurent encore lieu dans les charges du palais et dans l’administration des provinces. Les nominations furent parfais acceptées à contre-cœur, mais le plus souvent sollicitées ardemment ou même achetées.

(7) On voyait, comme toujours, surgir de la lie du peuple de ces gens qui se jettent à corps perdu dans les voies qu’une révolution paraît leur ouvrir, et d’autres, que le sort avait déjà placés à l’extrémité supérieure de l’échelle sociale, se précipiter néanmoins de gaieté de cœur au-devant de l’exil ou de la mort.

(8) Ces premières mesures donnaient à la rébellion une certaine consistance. Restait à entourer de la force militaire, sans laquelle on voit échouer les révolutions et même les mesures les plus légales.

(9) Cet élément de succès fut obtenu avec une extrême facilité. De nombreux détachements d’infanterie et de cavalerie avaient été dirigés précipitamment sur Constantinople, pour prendre part aux opérations militaires en Thrace. À