Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/274

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devint lui-même un fantôme d’empereur. Une double déception l’avait entraîné à cette résolution fatale. Les rois goths, que l’affinité prétendue de Procope à la famille de Constantin disposait en faveur de ce dernier, lui avaient envoyé un secours de trois mille hommes que Marcellus espérait, par un léger sacrifice d’argent, rattacher à sa propre cause ; et il comptait, en second lieu, sur la tentative d’Illyrie, dont le résultat n’était pas encore connu.

(4) Tandis que les événements se pressaient ainsi, Équitius, instruit par de sûrs rapports que tous les efforts de la guerre allaient se concentrer sur l’Asie, avait franchi le pas de Sucques, voulant à tout prix recouvrer Philippopolis, l’ancienne Eumolpiade, alors occupée par les rebelles. La possession de cette place était pour lui, dans tous les cas, d’une haute importance ; et, dans l’hypothèse où il lui aurait fallu traverser la région de l’Hémus pour porter secours à Valens (il ignorait alors ce qui s’était passé à Nacolia), c’eût été se compromettre que de la laisser sur ses derrières au pouvoir de l’ennemi.

(5) Mais, informé presque immédiatement de l’échauffourée de Marcellus, il envoya un détachement d’hommes alertes et déterminés pour saisir ce dernier comme un esclave réfractaire, et le fit jeter dans une prison, dont il ne sortit que pour subir la torture et la mort avec ses complices. Il faut cependant savoir gré d’une chose à Marcellus : c’est d’avoir délivré le monde de Sérennien, monstre cruel à l’égal de Phalaris, et ministre complaisant de la barbarie de deux maîtres qui ne demandaient que des prétextes pour s’y livrer.

(6) La mort du chef de la révolte mit fin à l’effusion du sang sur les champs de bataille. Mais dans les représailles exercées de sang-froid on dépassa souvent la mesure de l’équité. Elles furent surtout impitoyables envers la garnison de Philippopolis, qui n’avait capitulé pour elle et la ville que sur l’exhibition de la tête de Procope que l’on portait dans les Gaules, et qu’on lui fit voir en passant.

(7) Cette rigueur cependant ne laissa pas de fléchir, suivant les cas, devant les sollicitations influentes. Araxius, par exemple, qui par ses intrigues s’était fait donner la préfecture au moment même où éclatait la conflagration, obtint, par l’intercession de son gendre, de n’être que relégué dans une île, d’où il ne tarda pas à s’évader.

(8) Euphrase et Phronème, envoyés à Valentinien en Occident, pour qu’il prononçât sur leur sort, se virent pour le même crime, le premier absous, le second déporté à Chersonèse. Phronème fut ainsi traité par la seule raison qu’il avait été bien vu de Julien, dont la mémoire était odieuse aux deux frères, si loin de le valoir ou de lui ressembler.

(9) Mais bientôt se firent sentir des calamités plus terribles que celles des batailles. On vit, à l’abri de la paix, s’ouvrir une sanglante série d’informations judiciaires, et le bourreau promener la torture et la mort dans toutes les classes, sans distinction d’âge ou de rang. Un concert universel d’exécrations salua cette victoire, plus cruelle mille fois que la mort même.

(10) Du moins quand le clairon résonne, l’égalité des chances fait envisager le trépas avec moins d’horreur : ou le courage triomphe, ou la mort vient, soudaine et sans ignominie ; en cessant de vivre on cesse de souffrir, et voilà tout. Mais devant des juges voués à l’iniquité sous un vain semblant de respect pour la justice, serviles Catons, hypocrites Cassius, qu’un signe